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Décarbonation : l’hydrogène, un carburant injustement snobé ?

Dans le cadre de notre partenariat avec Le Trombinoscope, nous avons réalisé cette étude afin de mettre en lumière la place de l’hydrogène dans les transports dans le débat public et politique. Pour concevoir cette analyse, nous nous sommes appuyés sur notre plateforme de veille Follaw.sv, qui nous a permis d’identifier les prises de parole et les dynamiques autour de ce sujet.

Serait-ce la prééminence de l’électricité dans le débat public autour de la décarbonation des transports qui rend presque invisible l’hydrogène comme carburant de substitution ? Toujours est- il que ce dernier peine quelque peu à se frayer un chemin dans les travaux parlementaires de la XVIIème législature. Coup de sonde à travers les questions posées grâce à l’outil de veille sociétale et législative, Follaw.sv.

Alors que la décarbonation des transports constitue un sujet d’envergure pour la France, tant au niveau environnemental qu’au niveau industriel, économique et celui de la souveraineté, l’hydrogène n’est pas le sujet le plus couru parmi les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ceci en dépit des ambitions tracées par le plan hydrogène français de 2018 et la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné de 2020. L’objectif affiché alors est d’atteindre 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers et 800 à 2 000 véhicules lourds en 2028 dans le parc global.

L’hydrogène est un vecteur d’énergie qui présente pourtant beaucoup d’intérêt pour prendre à terme le relais des énergies fossiles en termes de mobilités. Toutefois, à quelques exceptions près de gisements d’hydrogène natif peu exploités aujourd’hui, l’hydrogène ne constitue pas une source d’énergie qu’on trouve directement dans la nature. Il faut donc le produire à partir d’autres énergies, si possible renouvelables. Or, pour le moment, 95 % de sa production est réalisée avec des énergies fossiles. C’est ce qui explique sans doute sa faible pénétration en France malgré des industriels qui avancent.

Peu de questions mais un intérêt transpartisan

Cette faible pénétration est à l’aune des questions posées par les parlementaires sur la filière hydrogène et son utilisation dans les transports. Entre octobre 2024 et février 2025, ce sont seulement 6 questions qui ont été déposées par les bancs de la représentation nationale dont la moitié a reçu des réponses ministérielles. Malgré cette attention restreinte pour le sujet, l’analyse détaillée des questions présente plusieurs enseignements.

Le premier d’entre eux est l’aspect transpartisan des élus qui se penchent sur la question de l’hydrogène et des transports (voir graphe ci-dessous). Tout le spectre politique est représenté du Rassemblement national à la France insoumise en passant par la Droite républicaine, l’Union centriste et les groupes socialistes. Paradoxalement, il s’avère que ce sont les écologistes les plus discrets sur ce thème.

L’hydrogène vu du gouvernement : oui mais…

Parmi les questions soulevées, trois ont obtenu des réponses de la part des ministères concernés. Le contenu de celles-ci est assez révélateur de la position gouvernementale qui pourrait se résumer en quelque sorte en un « hâtons-nous mais sans se presser » ! C’est en particulier assez flagrant suite à la question posée par le sénateur SER, Sébastien Pla, à propos de la « stratégie industrielle de décarbonation de la mobilité ancrée dans les territoires ». Pour l’élu, l’hydrogène (au même titre que les biocarburants) doit être une filière mieux considérée dans la transition énergétique et mieux accompagnée par l’Etat. Notamment parce qu’il permet aussi de réduire notre dépendance nationale aux métaux rares dont le modèle de mobilité électrique a besoin et qui sont produits et raffinés aux deux tiers par la Chine.

La réponse du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique est nettement plus tempérée et elliptique. Bercy reconnaît l’intérêt mais rappelle dans le même temps que les procédés de fabrication de l’hydrogène demeurent peu matures et coûteux du fait des capacités industrielles réduites au niveau national.

Le ministère des Transports se place sur la même ligne face à la question du sénateur UC, Franck Dhersin, qui réclame plus de subventions pour l’achat de locomotives propres par rapport à l’Italie et l’Espagne qui ont déjà accordé respectivement 150 millions et 70 millions d’euros pour le ferroviaire à l’hydrogène. Le ministère convient que celui-ci peut être un bon substitut pour remplacer les locomotives thermiques et celles qui circulent sur des voies non électrifiées tout en pointant aussitôt les capacités limitées de l’hydrogène en termes de puissance générée et d’autonomie de distance. Sans oublier d’évoquer le coût élevé !

L’hydrogène, un atout de développement économique pour les régions

Il n’en demeure pas moins que les territoires voient dans la filière hydrogène, une excellente opportunité pour développer ou renforcer l’attractivité d’un bassin d’activité et d’emploi. C’est par exemple le cas avec la députée RN, Géraldine Grangier, qui pousse en faveur de l’implantation de la future école nationale de l’Hydrogène en région Bourgogne-Franche-Comté où il existe déjà un tissu industriel et de recherche totalement compatible qui fabrique des piles à combustible, des électrolyseurs, des systèmes de stockage et des prototypes de véhicules à hydrogène.

Une préoccupation qu’on retrouve chez la députée LFI, Karen Erodi, qui se montre très inquiète pour l’avenir du groupe Safra, un constructeur de bus à hydrogène qui a été placé depuis en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d’Albi. Le ministère de l’Industrie lui a répondu qu’il suivait attentivement le dossier qui fait par ailleurs l’objet de discussions de reprise par un consortium financier asiatique.

Enfin, un autre député estampillé DR, Fabrice Brun a interpelé récemment le ministère de la Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche sur la publication du décret appliquant des mesures de soutien afin de compenser les coûts d’exploitation de l’électrolyse pour les moteurs à hydrogène. Il souhaite que le dispositif soit amplifié à la lumière de ce qu’a déjà mis en place la région Auvergne-Rhône-Alpes pour abaisser le coût du kilogramme d’hydrogène et générer ainsi des prix plus compétitifs qui profitent au développement de la filière régionale.

Enclencher la vitesse supérieure

De ce tour d’horizon, une chose est en tout cas à retenir. De cet intérêt parlementaire modéré autour de la filière hydrogène et des transports, ne découle actuellement aucun projet de loi, ni de proposition. De quoi être quelque peu circonspect à l’heure où l’Union européenne cherche à développer l’utilisation de l‘hydrogène dans les transports dans le cadre de grands programmes de R&D (notamment en Allemagne avec des flottes de bus). Le Japon et la Corée du Sud continuent également de soutenir des investissements très importants dans les véhicules alimentés à l’hydrogène.

Ceci est d’autant plus étonnant que la thématique des transports fonctionnant à l’hydrogène bénéficie d’une bonne et régulière couverture médiatique (voir graphe ci- dessous) où les associations et organisations de la filière sont particulièrement actives pour mettre le sujet sur la table.

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