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Affaires publiques et problématiques societales : quelles matrices pour les appréhender ?

L’enseignement des affaires publiques est tellement dépassé (“Lisez donc le Leviathan de Hobbes”) que les personnes en communication ou en marketing ont souvent l’image de consultants dinosaures avant l’âge, maniant le surmulot à travers deux applications : Word et Outlook.

Pourtant, pas mal de théories et matrices intéressantes permettent de montrer à quel point ce métier peut être théorisé et à quel point la caricature peut être lointaine pour qui s’y penche sérieusement.

I. Les matrices pour voir où on en est

Une stratégie en affaires publiques répond à trois étapes :

  • Identifier les besoins et les enjeux. Quelles sont les problématiques sociétales qu’un client a ? Quelles sont les parties prenantes par rapport aux enjeux, aux secteurs ou à l’organisation ?
  • Mettre en place une stratégie des moyens : là on est sur le qui, quoi où comment et quand.
  • L’activation. L’étape que tout le monde connait et que 80 % des clients veulent sans les deux autres étapes. Et encore, trop nombreuses sont les personnes en direction qui pensent qu’il suffit d’avoir le 06 d’Emmanuel Macron pour plier le game. Et bah non.

a) Le cycle d’une vie d’une problématique : on se situe sur le quoi

Une fois qu’on a identifié les problématiques autour de son client, on va identifier où celles-ci se trouvent dans le cycle de vie de la problématique. Celle-ci a 5 étapes successives que l’on va illustrer avec une trottinette :

  1. Emergence de la problématique : cette étape correspond à l’apparition d’un nouvel enjeu ou problème qui commence à attirer l’attention des parties prenantes (public, médias, experts, etc.). Cela peut résulter de nouvelles technologies, de changements sociaux ou économiques, ou de tout autre facteur qui crée un besoin de réglementation ou d’action politique.

    • Les trottinettes électriques apparaissent soudainement dans les grandes villes, offrant une nouvelle option de mobilité urbaine mais créant aussi des problèmes de sécurité et de gestion de l’espace public.
  2. Groupes d’intérêt : à ce stade, divers groupes d’intérêt (ONG, associations de consommateurs, entreprises, syndicats, etc.) prennent position sur la problématique. Ils cherchent à influencer l’opinion publique et les décideurs politiques par des campagnes, des recherches, des événements, etc. Ils cherchent à nouer des alliances

    Les services de trottinettes vont contacter les villes pour faire alliance de mobilité, ils vont tenter d’attirer les chefs d’entreprises, ou ils vont tenter de nouer des alliances avec des acteurs du mobilier urbain pour faire stationner leurs outils.
  3. Législation : c’est l’étape où les décideurs politiques (parlementaires, gouvernements, etc.) commencent à élaborer des projets de loi ou des règlements pour répondre à la problématique. Des débats et des consultations publiques sont souvent organisés pour affiner les propositions. Souvent, c’est là où les lobbies se réveillent. Et se disent “ah oui il y a une loi ?” et tentent en 3 semaines de répondre à une problématique qui est là depuis des années.

    Les syndicats voyant l’alliance avec les services de trottinettes vont interdire le remplacement du pass navigo pour remplacer par des trottinettes, l’acteur de la trottinette qui a loué une alliance avec un acteur du mobilier urbain va tenter d’interdire le free floating, etc.
  4. Application judiciaire : Une fois les lois ou règlements adoptés, il est crucial de s’assurer de leur application. Les tribunaux peuvent être sollicités pour interpréter les lois, résoudre des conflits et imposer des sanctions en cas de non-respect.

    On peut également négocier un temps de recours, un temps d’adaptation comme les opérateurs téléphoniques pour le roaming, etc.
  5. Mise en œuvre administrative : c’est l’étape finale où les administrations publiques (municipalités, agences gouvernementales, etc.) prennent en charge l’application pratique des lois et règlements. Cela inclut la mise en place de systèmes de surveillance, de sanctions, et l’organisation de campagnes d’information.

En fonction de là où on se situe, on fera les actions correspondantes (faire monter la problématique, tenter de l’éteindre, faire des alliances, ralentir la loi, etc.)

b) Meet Want Must : où on se situe sur le qui

Autre méthodologie pour se situer sur l’essentiel et mise en oeuvre chez nous par Manon El Assaidi, la matrice Meet – Want – Must.

  • Meet : cette étape consiste à recenser et à analyser les parties prenantes que vous avez déjà rencontrées ou avec lesquelles vous êtes déjà en relation.
  • Want : la liste des personnes qu’on voudrait considérer.
  • Must : sélection des parties prenantes à activer.

c) Event Tracker : on se situe sur le quand

On liste tous les événéments sur la période future pour préparer un rétro-planning.

II. Les matrices qui aident dans la stratégie des moyens

Outil de prédilection pour comprendre comment tout se tient autour d’un sujet, la matrice Driver/Issue/Trends est un outil utilisé en affaires publiques pour analyser et comprendre les dynamiques. Elle permet d’avoir l’ouverture. A savoir qu’on peut attaquer les trottinettes électriques en disant qu’elles dérivent d’une technologie galopante, le reliant à l’IA ou plein d’autres choses. On pourrait aussi mettre les ressources qui proviennent de Chine ou plein d’autres éléments. Cela permet de cartographier les points d’entrée avant toute stratégie.

b) La matrice Lowi-Wilson : le comment

La matrice Lowi-Wilson évalue les politiques publiques en fonction de la distribution des coûts et des bénéfices, en les classant selon qu’ils sont concentrés ou diffus.

1. Bénéfices concentrés, coûts diffus : c’est la politique qu’on déteste. Celle des huis clos et du passage l’air de rien. En affaires publiques, on va tenter de sensibiliser des politiques dans des zones fermées sans mobiliser les médias.

2. Bénéfices concentrés, coûts concentrés : les politiques de ce type peuvent entraîner des conflits intenses entre les groupes bénéficiaires et ceux qui supportent les coûts. En affaires publiques, on va mobiliser tout son secteur pour donner l’illusion que cela va apporter beaucoup de choses. Tout en espérant que ceux qui paient seront lents ou pas bons.

3. Bénéfices diffus, coûts concentrés : Ce type de politique peut être difficile à mettre en œuvre car ceux qui supportent les coûts sont souvent très opposés, tandis que les bénéficiaires diffus sont moins motivés à défendre la politique. En affaires publiques, cela devrait être une évidence pour les décideurs, et il faut mobiliser à travers des pétitions ou de larges médiatisation.

4. Bénéfices diffus, coûts diffus : C’est la GUERRREEEE ! Tous les moyens sont mobilisés.

Cela va donc bien nous aider à savoir le point d’entrée et les moyens à mettre en oeuvre.

c) Le Stakeholders mapping : qui on cible ?

On ne vous fera pas l’affront de vous expliquer ce qu’est une cartographie de parties prenantes. Tout au plus si un étudiant passe par là, on lui dira qu’on cartographie les personnes qui sont reliées à la problématique en fonction du fait qu’ils possèdent du pouvoir ou de l’intérêt.

III. On n’oublie pas les deux ingrédients secrets : la donnée et on utilise toutes les armes à disposition

Et dans tout cela, une matrice n’est rien sans le recueil d’informations. On rassemble donc toutes les informations avec tous les logiciels. Ensuite l’humain vient apporter son savoir-faire, et le fait visualiser à travers des matrices stratégiques que l’on a vu ensemble.

Et juste avec la boite à outils des affaires publiques, on a un schéma incomplet : il faut donc faire évoluer le logiciel. Et pour ce faire, on mobilise toutes les disciplines : la communication, les marketings ou autres. Bref, tout cela est tellement complexe, qu’on voit mal comment on pourrait rester un dinosaure dans un monde en mutation totale où tout s’accélère, et tout se professionnalise.

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