Obtenu par L’informe, un rapport interministériel récent propose de profondes réformes du secteur publicitaire afin d’en limiter les dérives environnementales. Une énième preuve que la gestion sociétale ne passe pas uniquement par le permis d’opérer mais également par le permis de communiquer.
Commandé par le gouvernement précédent, ce rapport, qui associe les inspections des finances, de la culture et du développement durable, préconise notamment l’interdiction de certaines publicités jugées incompatibles avec les objectifs de consommation durable, telles que celles pour des vols courts, certains véhicules polluants, ou encore la fast-fashion.
Le document pointe également les limites du système actuel d’autorégulation incarné par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), jugée peu transparente, inefficace et insuffisamment représentative de la société civile. Pour restaurer la confiance et assurer un contrôle efficace, le rapport recommande de renforcer considérablement les pouvoirs de régulation, notamment en plaçant l’ARPP sous l’autorité de l’Arcom et en révisant les directives européennes actuellement favorables aux acteurs internationaux au détriment des régulations nationales.
La régulation de la communication
La régulation en communication n’est pas du tout nouvelle. (Et nous parlons de permis social de communiquer d’ailleurs depuis 2016)
Il existe en France une Loi Evin (1991) qui interdit totalement les publicités pour le tabac et restreint fortement celles pour l’alcool. D’autres secteurs sont fortement encadrés comme les jeux de paris et d’argent (interdiction de cibler les mineurs, obligation d’afficher des messages de prévention, restriction des créneaux horaires à la télévision. 2010) La publicité pour les médicaments sur ordonnance est interdite. (1992 au niveau européen, 1994 transposé en France)
La plupart sont donc largement reliés à la santé ou l’addiction. Mais depuis 2020, cela s’attaque désormais à une autre cible : l’environnement. On peut cependant trouver une suite logique à la lecture des chiffres de Santé publique France, qui a attesté que l’exposition aux particules fines (PM2,5) est responsable de près de 40 000 décès prématurés chaque année.
- En 2020, dans la loi Agec, il y a interdiction de la publicité vantant la mise au rebut des produits encore fonctionnels.
- En 2021, la loi Climat et résilience prévoit une Interdiction progressive de la publicité pour les énergies fossiles. (pétrole, charbon, gaz) Elle encadre la publicité pour les véhicules les plus polluants avec une obligation d’affichage environnemental.
Alors on peut dire que la France aime réguler, mais en les comparant avec d’autres pays, les réglementations sont assez similaires et ces discussions sur l’environnement ont lieu aussi dans les autres pays d’Europe comme la Suède, l’Allemagne ou la Belgique.
Le permis social de communiquer
Alors que certaines entreprises ou secteurs voient leurs activités et leur permis d’opérer remis en question de façon profonde (aviation, énergies fossiles, agriculture, etc.). Cela vient s’ajouter à une résistance croissante aux projets d’aménagement ou de développement économique (« Not in my Backyard »). Plus que jamais, les organisations doivent (re)nouer le dialogue avec les parties prenantes et faire la pédagogie de leur activité et de leurs projets. Avec des politiques qui peuvent dégainer des droits de douanes titanesques, un actif à protéger pour les organisations devient aussi le droit de communiquer. Droit de communiquer soit de manière légale soit sur des sujets complexes où des parties prenantes peuvent s’opposer à leur droit légitime de communiquer sur des sujets “touchy”. L’enjeu est de surmonter les polémiques et le bruit en créant un territoire de prise de parole authentique et pertinent, aligné aux objectifs de l’organisation (business, législatif, réglementaire, réputationnel) pour émerger auprès des cibles qui comptent.

Cela passe par plusieurs piliers. Pour chacun des pilliers, les secteurs principaux mis en joue :
- La légitimité du media : il faut être légitime dans son utilisation d’un média. Une publicité pixellisée, sans bon son et sans intérêt ne passera pas l’épreuvre du cinéma. Une publicité en plein milieu d’un show télévisé sans bandeau de publicité sera fortement critiquée. Ce sont donc les règles des médias
Dans notre cas, les médias pourraient être les premières parties prenantes mobilisées. Il reste la légitimité du media la plus facile à obtenir : l’argent ! En 2023, les dépenses publicitaires des constructeurs automobiles avaient selon l’argus atteint les 2,75 milliards d’euros. (A un âge d’or en 2010, cela pesait pour 23 % des dépenses publicitaires) Une perte à gagner énorme pour les médias dans un contexte de début 2025 très compliqué au niveau publicitaire. Or, les médias sont nécessaires à la société publique.
- Une légitimité historico-relationnelle : on récupère sa réputation et donc il faut être cohérent avec celle-ci. Si l’on dit dans une publicité le contraire de ce que l’on a comme image, il sera fort difficile de convaincre. Le poids de l’histoire est dès lors important, tout comme c’est le cas pour l’image du secteur.
Les secteurs pourraient argumenter qu’ils ont le droit de communiquer parce qu’ils sont dans une démarche d’évolution constante vers des consommations durables. Les marques françaises pourront aussi argumenter de leur ancrage national et de leur statut de champion économique local.
- La légitimité contextuelle : l’actualité, la culture d’un pays et les valeurs sociétales s’immiscent toujours dans la lecture des publics de ce que l’on communique. Il faut donc garantir que la communication corresponde au moment.
Dans un climat où le secteur automobile est attaqué de plein fouet par les USA, faut-il encore brider ce secteur ? Pour les marques de Fast Fashion, cela pourrait raviver une guerre avec la Chine après un voyage du gouvernement pour sauver le cognac. Le secteur peut aussi mobiliser le climat social pour dire qu’il permet aux moins aisés de s’habiller. Enfin, le secteur des voyages se relève à peine du Covid, mais ne pourra pas mobiliser un contexte avantageux pour argumenter de sa légitimité à communiquer.
- La réputation institutionnalisée : avoir tellement sa réputation partagée par ses publics que ceux-ci se chargent de la propager sans que l’organisation ne suscite la moindre chose.
Malheureusement, il est peu probable que les consommateurs se lèvent pour défendre la publicité de produits. Cela pousse les organisations à avancer leurs arguments par eux-mêmes ou à trouver des secteurs connexes ou autres acteurs touchés par cela. (L’état qui aurait moins de taxe, TVA, un contexte compliqué pour la presse)
Et évidemment, si la loi dit que ces produits et organisations ne peuvent plus communiquer, alors il n’y a plus rien à faire. D’où l’importance de bien évaluer ses actifs sociétaux et s’assurer qu’ils soient constamment suffisants pour empêcher une période législative douloureuse qui ne laisse souvent pas assez de temps pour réagir.